mercredi 25 février 2015

Obrigada gozaimasu : visite à Tomé-Açu

Je suis au Brésil !! A venir sur ce blog : grillades, sucre de canne non raffiné, la mousson, le plus grand fleuve du monde et des rudiments de portugais.

Aujourd'hui je vais vous parler de ma visite d'une plantation de cacao ce week-end. A peine arrivée à Belèm, où je vais rester cinq semaines, mon hôtesse me propose de partir avec elle et un autre étudiant belge dans une plantation de cacao. (Ils ont besoin de partir en reconnaissance en vue d'un projet de construction de séchoir qui aura lieu cet été.) Ne croyant pas à ma chance, j'accepte.

Tomé-Açu

Le village de Tomé-Açu est à 200 kilomètres et 4 heures de bus de Belèm. Il faut traverser plusieurs rivières, affluents de l'Amazone.



C'est la saison des pluies, il fait chaud et lourd. Les nuages dans le ciel forment leur propre paysage, inversé et monochrome.

La plantation que nous allons visiter appartient à une familles d'immigrants d'origine japonaise, arrivés au Brésil après la seconde guerre mondiale. L'immigration japonaise est très présente au Brésil et les signes de sa réussite sociale sont visibles. Y. Yamada est une grosse chaîne de supermarchés mais ce n'est pas la seule : beaucoup de magasins portent des noms japonais ou possèdent un logo ressemblant au drapeau du pays du Soleil Levant. Les supermarchés vendent des ramens adaptés aux goûts locaux, on ne compte plus les restaurants (et marchands de rues !) proposant des sushis, etc.


A peine arrivés, goûter ! (Le goûter est très important au Brésil.) Ici : thé glacé et gâteau. La génoise est parfumée au fruit de la passion (maracuja), il y a une couche de crème au cupuaçu et une à la confiture de lait. C'est délicieux.

Il fait nuit. Nous sommes sur l'Equateur, le soleil se lève à 6h et se couche à 18, toute l'année. Il n'est donc plus temps d'aller visiter les plantations, nous irons demain. La discussion est générale, bien qu'il faudrait un schéma pour démêler qui parle quelle langue, entre le portugais, le japonais, l'anglais, l'espagnol et le français.

Repas du soir. Riz japonais droit sorti du rice cooker et diverses viandes et poissons des terres environnantes : thon rôti, mouton rôti, saumon frit. Et surtout : açai. L'açai est une baie de palmier qui pousse en Amérique Latine. Dans la région du Parà, où je me trouve, elle est traditionnellement consommée sous forme de pulpe froide de couleur violet foncé, à côté du repas, un peu comme le pain chez nous. C'est une baie extrêmement calorique et pleine de fibres : historiquement, elle était utilisée par les autochtones comme aliment de base, leur permettant de compléter un régime parfois pauvre.



Je fais bien rire mes hôtes en la versant sur mon plat comme une sauce. Ça se mange normalement dans un bol séparé. Non sucré, je trouve que ça n'a pas beaucoup de goût. Ça m'a fait pensé à une sorte de béchamel épaisse. Avec du miel, c'est déjà bien meilleur.

Petit lexique japonais-portugais à l'usage des gastronomes curieux
Je vous laisse démêler les deux langues, c'est plus drôle.

Obrigada !   Merci !
Muito obrigada ! Merci beaucoup !
Arigato gozaimasu ! Merci beaucoup beaucoup !
A manga é bom. La mangue est bonne.
Oishii mango! La mangue est délicieuse !
Itadakimasu. Merci pour ce repas.
Eu gusto. J'aime.
Eu vou probar tudo ! Je veux tout essayer !

Production de mangues pour la consommation privée de la famille

Le lendemain matin, je pars explorer le jardin, un peu gênée par le chaton qui suit tous mes pas. 

Jow jow !




 Le petit déjeuner consiste en une crêpe de tapioca fourrée au fromage et des morceaux de mangue (oishii !).


Ensuite, le clou de la visite : la production de cacao. 

N'hésitez pas à cliquer sur les photos pour les agrandir

Je suis très émue.
C'est ici que tout commence.


You're beautiful. You're beautiful, it's true.
Les plantations de cacao sont toujours mixtes pour des raisons de fertilité du sol et parce que les cacaoyers ont besoin d'ombre. La terre est donc partagée avec des bananiers et des arbres cultivés pour leur bois que je n'ai pas identifiés. 


Banana tree, you know how I feel.
Après la récolte, le cacao est séché de manières différentes selon sa destination. La triste vérité est que, si le Brésil est l'un des plus gros producteurs mondiaux de cacao, la population locale n'en voit pas vraiment la couleur. Le cacao servant à approvisionner le marché local est de qualité médiocre et traité avec peu d'égard. La majorité de la production est exportée vers les pays occidentaux et transformée avec plus de soin.


 Le cacao est avant tout fermenté avec sa pulpe sous des feuilles de bananiers. Ça sent le chocolat mais aussi un peu la pourriture...

Oui, j'ai croqué. C'était amer. 
A ce stade là il a encore la plupart de ses composés phénoliques (les antioxidants), ça se voit à sa couleur rosée. 


Le cacao destiné au marché brésilien est séché à l'extérieur sur des bâches, à la merci de la lumière directe du soleil et de la pluie.

J'ai aussi croqué. C'était amer.
Au bout d'une semaine, il est devenu complètement noir et tous ses composés phénoliques ont été tués. Il sera ensuite mélangé à du cacao africain pour produire le chocolat qu'on trouve dans les grandes surfaces brésiliennes.

Il y aussi du poivre. J'ai de nouveau goûté, parce que je n'apprends pas.





Le cacao destiné au Japon est séché sous un toit, à l'ombre et protégé de la pluie.


Pour le cacao européen, on utilise un séchoir mécanique chauffé et doté d'une soufflerie. Ça permet d'effectuer le séchage en moins de 24h et que le cacao conserve la plupart de ses propriétés.


Saviez-vous que la pulpe de cacao se mange ? C'est très gluant, de goût sucré et acidulé, comme un bonbon au citron.

Les fèves de cacao sont à l'intérieur de cette pulpe.

Je goûte aussi le fruit d'Inga. C'est beaucoup plus sucré, d'une texture et d'un goût qui rappellent une banane.


C'est le cousin de la plante sur laquelle je fais mon mémoire !


Après tant d'efforts et d'émotion, le réconfort. Je mords avec reconnaissance (itadakimasu !) dans un tempura que me tend la maîtresse de maison.

Je suis tellement heureuse.


 On s'attable ensuite autour d'un curry japonais avec du poulet de la ferme (franga daqui).



Le repas fini, il est malheureusement temps de repartir pour la ville. Tout ce week-end je me suis sentie réellement loin, à l'autre bout du monde. J'aurais adoré rester, mais le mémoire m'appelle et il y a tellement de choses à découvrir...

A bientôt !

Aylin





dimanche 1 février 2015

Ces étudiants qui mangent mal, ou comment cuire des légumes

Je discutais récemment avec un ami (hi, mate !) qui se plaignait de ne pas réussir à se concentrer sur son boulot. A ma suggestion de faire une pause et manger une banane, il répondit qu'il n'avait rien dans son frigo et pas le temps de faire des courses. Soupçonneuse, j'insistai : avait-il mangé ce jour-là ? "Hmm, non, mais j'ai bu un Red Bull tout à l'heure." Ha. Bon.

J'ai aussi un jour appris à un garçon de 20 ans (salut !) à cuire des pâtes. Un autre ami (heyyy !), après que je me sois moquée gentiment de son inaptitude aux fourneaux, protesta : "Mais si, je sais cuisiner ! Je sais faire des pâtes, des escalopes de poulet, du riz, du riz aux escalopes de poulet..."

(Que des garçons dans mes exemples, mais je suis sûre que des filles tout aussi déficientes culinairement existent. Et je connais aussi au moins un garçon qui cuisine très bien (fistbump et explosion), merci pour lui. Bref.)

Si vous vous reconnaissez un peu dans ces anecdotes, cet article est pour vous. Je l'ai écrit pour qu'il soit accessible à tous, même les plus débutants. Cuisiner effraye à tort. Une fois passée une courte période d'apprentissage, la technique qui suit vous permettra d'improviser une multitude de repas bons et sains, avec peu d'efforts et de temps passé en cuisine. Si, si :) Allez en fin d'article si vous avez besoin d'exemples pour vous laisser convaincre.

Pour les cuisiniers plus aguerris, glacer des légumes est une technique que j'utilise beaucoup depuis que je l'ai découverte. Jetez un coup d'oeil ;)

Légumes glacés, technique modulable à l'infini [1]

[1] Cette technique est extraite de : MYHRVOLD, Nathan. Modernist cuisine. Cologne, Germany : Taschen, 2011. Volume 2, p. 60.

Matériel : une grande poêle, un couvercle (ou quelque chose faisant office) et une spatule (ou cuillère).

Conseil : Pour réduire le temps passé en cuisine faites toujours des doubles ou triples portions, que vous conserverez au frigo et réchaufferez au micro ondes ou à la poêle avant des les utiliser.

Il vous faut des légumes. Presque n'importe lesquels. J'ai utilisé dans l'exemple des choux de Bruxelles mais vous pouvez aussi mélanger des légumes, en utiliser d'autres, etc.

Cette technique fonctionne avec : carottes, courgettes, navets, poivrons, aubergines, panais, choux de Bruxelles,...

Cette technique n'est pas conseillée avec : champignons (ils cuiraient dans leur propre jus et deviendraient écoeurants), choux fleurs, brocolis (trop durs), tomates (elles se déferaient complètement à la cuisson).

Epluchez les légumes et coupez les en morceaux. (Plus petits sont les morceaux, plus vite ça cuira, pensez-y si vous avez faim. Dans le même ordre d'idée, coupez des morceaux de taille égale, de manière à ce que tout soit cuit en même temps.) Il vous faut assez de légumes pour que toute la surface de la poêle soit couverte mais ils ne doivent pas trop s'empiler.

Jusque là, rien de compliqué !
Ajoutez des aromates. J'ai mis de l'ail hâché grossièrement et du piment en poudre.

Vous pouvez vous contenter de sel et poivre ou tenter des combinaisons.

Aromates possibles : oignons ou échalottes coupés en quartier (coupés trop fin, ils risqueraient de brûler), ail, piment, cumin, paprika, thym, herbes de provence, romarin, etc, etc.

Transférez le tout dans une poêle froide et ajoutez de la matière grasse (j'ai mis de la graisse de canard). Vous pouvez utilisez une à deux cuillère à soupe (pas moins, ou vous risquez de tout brûler), selon votre goût pour la légèreté et votre quantité de légumes.

La différence entre deux plats identiques mais cuits dans différentes matières grasses peut surprendre, faites des essais. Mais vous pouvez aussi utiliser de la simple huile d'olive, ce sera également très bon.

Matières grasses : huile d'olive ou autre huile végétale, beurre, graisse animale (canard comme moi ou vous pouvez aussi utilisez la graisse rendue par du lard),...

Ensuite, mettez la poêle sur un feu moyen et couvrez. Puis sortez de la cuisine pendant 10 minutes. Sérieusement. Allez regarder le début d'un épisode de série, résoudre un exercice de physique ou faire 100 pompes. Au bout de 10 minutes, revenez dans la cuisine. La poêle, maintenant chaude, grésille et émet de la vapeur. Ne paniquez pas.

Note : si vous êtes un vrai débutant et cuisinez au gaz, ne sortez pas de la cuisine, je ne veux pas être responsable d'accidents. A la place, faites votre vaisselle en retard et passez un coup d'éponge sur vos plans de travail, vos colocs vous seront reconnaissants !


Je ne possède pas de couvercle à la taille de ma poêle, j'utilise donc un moule à tarte. Vous aussi, faites preuve de créativité pour pallier le manque de matériel !


Pendant votre absence : la poêle a chauffé et la graisse fondu, se répartissant entre les morceaux. Les légumes ont commencé à cuire à la fois dans la graisse et dans la vapeur de leur propre jus. Le fait que la poêle soit couverte leur permet de conserver tout leur goût, additionné de la caramélisation facilitée par matière grasse.

La théorie veut qu'on ne soulève pas le couvercle, de façon à conserver la précieuse vapeur. Si vous voulez suivre la technique, protégez vous les mains de maniques ou de serviettes (sèches !), maintenez fermement le couvercle et secouez la poêle. Si secouer une poêle chaude vous fout la trouille ou que vous êtes persuadé que quelque chose brûle dans le fond, soulevez le couvercle et agitez le tout avec une spatule, puis remettez le couvercle. Ça restera entre nous.

Si vous n'aimez pas le risque, vous pouvez aussi mettre un mince fond d'eau dans le fond de la poêle au début de la cuisson. Vous serez ainsi certain que rien ne brûlera, mais vous y perdrez un peu de goût et de texture.

Laissez la cuisson se poursuivre une vingtaine de minutes de plus, en secouant la poêle toutes 10 minutes. Au bout de ce temps, soulevez le couvercle et vérifiez la cuisson du bout d'une fourchette. Si c'est suffisamment tendre à vôtre goût, c'est cuit. Sinon, laissez cuire encore 10 minutes. Goûtez, rectifiez l'assaisonnement (ça veut dire ajoutez du poivre ou du sel si besoin).


Cuits à coeur
C'est prêt.

Comment transformer ces légumes en repas ?

C'est la partie intéressante.

Pâtes

Vous pouvez en gros, tout mettre sur des pâtes, ajouter du fromage râpe et un trait d'huile d'olive si c'est trop sec.
Avec mes choux de Bruxelles, j'ai mis la moitié dans un tupperware, à utiliser plus tard dans une salade.
Boom, pâtes.
Pour l'autre moitié, j'ai rajouté des anchois pour le kick, mis le tout sur des linguines (que j'avais préparées pendant que les légumes cuisaient) et rapé du pecorino romano par dessus. (C'est comme de parmesan mais en bien meilleur.)
Boom, vous avez un plat de pâtes !

En accompagnement
Faites un peu ce que vous voulez, selon ce que vous accompagnez. J'aime bien glacer des navets et des carottes avec un peu d'ail pour accompagner de la viande. En dernière minute, je saupoudre de persil ciselé et de fleur de sel.

Carottes et courgettes pour accompagner un mole mexicain.
Poireaux pour accompagner une truite ardennaise

Curry

A la fin de la cuisson de vos légumes, n'éteignez pas la poêle et ajoutez du lait de coco (ou à la rigueur de la crème fraîche) ainsi que du curry en poudre. Mélangez et laissez épaissir un peu. Vous pouvez ajouter une protéine de votre choix (reste de poulet, crevettes, un oeuf...). Versez sur du riz. Boom, curry !

Carottes, poivrons, lait de coco, crevettes, curry, saupoudré de coriandre ciselée sur riz. Bam, curry.

Bol de riz asiatisant

Versez vos légumes glacés (à l'huile de sésame si vous avez, sinon, de l'huile d'olive) sur un bol de riz, ajoutez un trait de sauce soja, de la sauce piquante et un ou deux oeufs au plat. Mangez avec des baguettes si c'est votre truc. Boom, bol de riz !

Omelette

Quand les légumes sont cuits, n'éteignez pas la poêle. Battez des oeufs en omelette (ça veut dire les mélanger avec une fourchette, jusqu'à ce qu'ils soient d'une couleur orange homogène). Salez et poivrez les oeufs. Versez-les sur les légumes et saupoudrez éventuellement de fromage rapé. Couvrez et laissez cuire jusqu'au degré de fermeté désiré. Boom, omelette !

Oeufs brouillés

Pareil que l'omelette, mais vous faites cuire les oeufs à découvert et sans cesser de secouer avec la spatule, jusqu'à ce que ça ait une consistance onctueuse et bien prise. Mangez sur du pain gris. Boom, oeufs brouillés.

Salades

Ajoutez des restes de légumes glacés dans une salade. Assaisonnez (vinaigre balsamique et huile d'olive par exemple). Boom, salade !

On peut inventer des milliers de variantes, n'hésitez pas à me faire part de vos expériences.

C'était Aylin, qui espère que le monde va vers un avenir meilleur et plein de nutriments !